Les gens du voyage ne voyagent plus beaucoup. Ils sont de plus en plus nombreux, comme les Renard, à s'installer définitivement sur les aires d'accueil. Eau courante, électricité, ils accèdent au confort moderne. Anita a connu les lessives dans le Cher. Aujourd'hui, elle rêve d'une vraie maison avec quatre murs et un toit. Quoi qu'il en soit, leurs conditions de vie s'améliorent, l'image que l'on a d'eux aussi.
Les commerçants et les voisins les connaissent bien. Ils en parlent avec amusement et tendresse. Mais leur image de voleur de poules est prégnante. A l'écart de la ville et à l'abris des regards, entourés de prairies tendrement vertes, l'aire inspire guère. Depuis sa création, les randonneurs évitent le sentier qui la longe.
Un monde encore à part. Une communauté ou les femmes ne font que frotter, laver, cuisiner, pendant que leurs maris s'occupent, en attendant mieux. Mais même avec de la bonne volonté, difficile de trouver un métier où il n'est pas exigé de savoir lire et écrire. Chez les gens du voyage, les adultes seraient analphabètes à 80 % (Secours catholique).
Les espoir se portent sur la jeune génération. L'école leur apporte des atouts non négligeables. « Ils sauront lire et écrire, ils pourront avoir un meilleur métier » s'enthousiasme leur grand-mère.
Plus important encore, jouer sans se soucier de son mode de vie. Dans la cour d'école, pas de préjugés. Il s'y tisse des amitiés, quelques bagarres parfois.
Et au moindre problème, les Renard se replient sur eux mêmes, quoiqu'assez lucides pour reconnaître leurs torts éventuels. « Les gens quand on parle avec eux, ils ont l'impression qu'on les agresse. Ca doit être notre parlement ». Comprenez, notre façon de parler.
D'ailleurs, le parlement, ils ne savent pas ce que c'est. Pas plus qu'ils ne saisissent l'enjeux des élections présidentielles, encore moins des régionales. Ni au premier ni au second tour, ces citoyens pas comme les autres ne se sont déplacés aux urnes. Pour qui ? Pour quoi faire ? Ils ne se sentent pas concernés, pas représentés. Méfiants aussi. Et personne n'a vraiment pris le temps de leur expliquer.
De nomade à sédentaire, il ne suffit pas simplement de poser ses valises. Les gens du voyage ont encore des effort à fournir pour s'intégrer pleinement, sans pour autant renier leurs racines et leurs traditions. Se forger une nouvelle identité, lutter contre les discriminations. Un pari difficile à tenir, mais qui commence à porter ses fruits. Les mentalités ont considérablement évolué depuis la Libération. Ce n'est pas le cas de la législation.